Etoiles
Un récit de voyage de Okamoto Kanoko - traduction
Un récit de voyage de Okamoto Kanoko - traduction
OKAMOTO Kanoko 岡本 かの子 (1889-1939) est le nom de plume d'une écrivaine et poétesse japonaise, spécialiste du tanka puis du bouddhisme. Elle est la mère du célèbre artiste Okamoto Taro (Tour du Soleil). Elle raconte dans ce texte son observation des étoiles à l'occasion d'un voyage en Egypte.
Texte original : 『星』publié sur Aozora Bunko
Par les nuits claires de l’automne, le scintillement des étoiles est toujours plus vif qu’à l’ordinaire. Les soirs sans Lune particulièrement, leur éclat est d’autant plus magnifique. Si l’on fixe ces multiples corps célestes, on la l’inquiétante impression que d’imposantes étoiles à la puissante lumière se dirigent vers nous. En effet, lorsque que j’ai navigué sur l’océan, un point lumineux par-delà l’obscurité de la mer s’est approché en ma direction. Alors que je regardais, en me demandant ce que cela pouvait être, soudain sous cette lumière, je fus surprise par le surgissement de la silhouette d’un paquebot noir comparable à une montagne. Aussi parfois quand je fixe une étoile, j’ai l’impression qu’une chose énorme se déplace vers moi, avec elle posée au dessus. Une telle illusion est un plaisir mystérieux qui ressemble aussi à de la peur.
Le scintillement des étoiles a depuis des temps immémoriaux suscité chez l’Homme toutes sortes d’évocations et d’imaginaires. Les hommes prédisaient leur avenir d’après les étoiles, cela veut dire en fait, que depuis les temps anciens, aussi bien en orient qu’en occident, avec en outre une base scientifique, ces hommes des origines, ont fait porter au déplacement des corps célestes des sens mystérieux, qui sont venus se lier avec les vies humaines. Ces étoiles qui brillaient comme si elles envoyaient continuellement des signes au monde d’en bas ou qui, du point de vue des hommes depuis la terre, changeaient de position selon les saisons ; qui glissaient dans le ciel tels des coléoptères aquatiques, et ces comètes qui surgissaient et dont la queue s’allongeaient comme celle d’un paon, faisait croire aux anciens, dit-on, qui voyaient la vie dans tout ce qui bouge, qu’une étoile était encore une forme de vie. Même nous lorsque que nous fixons intensément les étoiles, ils nous vient l’impression qu’elles sont en vie.
En Egypte, en Arabie, en Inde, et dans d’autres pays où les terre sont arides, les corps célestes semblent terriblement proches. On dit que c’est parce que l’humidité dans l’air est basse que l’éclat des étoiles irradie davantage. C’est pour ces simples raisons, que les habitants des terres anciennes, se sont intéressés aux corps célestes, comme les marins prédisent le temps avec le vent et les nuages, l’observation des étoiles était un avantages à tirer de la vie. Et c’est pour ces mêmes raisons que l’astrologie a été développée le plus tôt en Egypte, en Arabie et en Inde.
Je ne pourrais jamais oublier la beauté de la Croix du Sud dans l’océan Indien que j’ai vu sur un bateau en direction de l’Europe. Dans la clarté parfaite du ciel austral d’un bleu cobalt profond, la lumière de la Croix du Sud étincelait comme une balle de diamants, dispersant des nuées d’étoiles dans le ciel. Après être descendue du bateau sur le Canal du Suez, en pleine nuit dans la voiture se dirigeant vers Le Caire, à travers le désert désolé d’Arabie, les étoiles que je voyais y étaient une fois de plus magnifiques. Sur l’océan Indien, dans le désert d’Arabie, la tête tournée vers les étoiles, je tentais de comprendre le cœur des hommes des temps anciens. Dans l’Antiquité, lorsque les machines n’étaient pas aussi perfectionnées qu’aujourd’hui, les hommes utilisaient les étoiles comme seule boussole pour se rendre dans l’océan Indien ou le désert d’Arabie, puis en revenir. Quand je pense au rôle joué par la Croix du Sud, qui a illuminé avec tant d’éclat dans le passé et qui brille encore aujourd’hui, il me semble qu’il ne s’agit pas seulement d’en apprécier sa beauté.
En mille quatre cent onze avant notre ère, en Egypte, il existait déjà un calendrier. Puis dans le même temps, une chose merveilleuse qui revient aux Egyptiens, c’est d’avoir divisé l’année en trois cent soixante-cinq jours. Ainsi, le savoir des Egyptiens de l’Antiquité est né en lien avec le mouvement des corps célestes. On le comprends bien en voyant les cartes de constellations peintes sur le plafond de la tombe du Roi égyptien Sethi Ier à Thèbes (une ville antique située sur le Nil), il y a près de mille trois cents ans avant notre ère. De plus, pas plus de cinquante ans après Sethi Ier, on trouve des étoiles dessinées sur les fresques de la tombe de Ramsès II. Sur ces deux représentations, les étoilent symbolisent les hommes et les animaux, animaux qui ont des corps d’humain à partir du cou. Ensuite, l’étoile la plus importante qui est celle de Sirius, apparait sous la forme parfaite de l’homme, coiffée d’une couronne et tenant un sceptre. Il est intéressant de noter que les étoiles en groupe sont pieds nus, tandis que les étoiles de premier ordre montent ces barques de bois caractéristiques de l’Egypte antique.
On suppose que les Egyptiens de l’Antiquité croyaient que sur l’envers de la terre, par delà les mers sombres, vivaient des monstres, que le passage d’est en ouest du soleil s’achevait en une journée, qu’il naviguait sur un bateau de nuit le fleuve d’en bas et se retrouvait le jour suivant au point de départ à l’est, et ils pensaient sans doute que les étoiles comme le soleil, traversaient en barque le fleuve des ténèbres. La symbolisation des étoiles par des animaux pourrait avoir un sens similaire à la personnification du soleil par un l’aigle.
Les constellations sont formées en épelant des groupes d’étoiles dispersées dans le ciel et en imaginant différentes formes. Elles sont le fruit de l’imagination poétique de l’homme et, quel que soit le nombre d’étoiles dans le ciel, elles ne sont pas suffisamment nombreuses pour former un objet précis. Les hommes ont plutôt, à leur guise, tracé des lignes imaginaires entre les étoiles dispersées, symbolisant certaines par un cygne et d’autres par un lion. Par conséquent il aurait pu en être créé autant que porte la pensée, sans limite, au XIXe siècle, pour celles que l’on connait, le nombre atteins près de cent quatre-vingt-dix. Les constellations ont été progressivement organisées et actuellement quatre-vingt-huit sont officialisées. En examinant les noms des constellations depuis les origines, on peut dire que les plus anciens sont d’une certaine façon plus poétiques, par exemple on peut citer le Bouvier, la Couronne, la Lyre, le Cygne, la vierge qui sont plutôt romantiques, le Loup, la Grande Ourse, la Petite Ourse, l’Hydre ou autres noms effrayants d’animaux, après le 18e siècle le noms des constellation reprennent souvent des instruments tel l’Octant, la Règle, le Télescope, la Montgolfière, la Carène, c’est intéressant de voir que les changements civilisationnels s’introduisent dans le champs des imaginaires humains.
Quand j’ai voyagé en Egypte, un soir, je suis allée en vélo depuis le Caire visiter les pyramides de la nécropole de Gizeh. C’était une soirée étoilée dont la fraicheur rappelait exactement le Japon automnale. En revenant de ma promenade à dos de chameau autour des pyramides, j’ai pu m’asseoir sur un siège en rotin du balcon de l’hôtel où je m’étais arrêtée et contempler à loisir les étoiles qui brillaient dans le ciel égyptien. Des petites étoiles que l’on ne peut pas voir à l’œil nu dans des endroits comme le Japon, brillaient distinctement. N’était-ce pas là l’étoile de Sirius, tout juste à côté des pyramides qui surplombaient dans le noir, cette étoile qui brillaient remarquablement et que les Egyptiens respectaient le plus depuis l’Antiquité. Tous les quatre ans en Egypte, l’étoile de Sirius apparaît en même temps que le coucher du soleil, les références astronomiques qui y sont faites permettent de déterminer des datations de l’ancienne Egypte.
Tandis que j’observais le ciel étoilé d’Egypte, je me remémorais les noms des constellations que je connaissais et tentais de les retrouver. Néanmoins, comme je n’avais pas dans les mains de carte des constellations, il était difficile pour moi de les identifier avec exactitude, mais j’ai pu en trouver quelque unes qui y ressemblaient. Puis à mon tour j’ai dessiné à ma guise des lignes entre les étoiles, le plus amusant était d’essayer de construire ma propre carte imaginaire comme je l’aimais. J’ai dessiné le plan en élévation de ma maison laissée à Tokyo, j’ai aussi pu tracer une carte de mes empreintes du Japon à l’Egypte.
Lorsque je regarde les étoiles, j’ai l’impression de pouvoir découvrir les sentiments candides des Egyptiens qui parlaient avec les étoiles. Par les claires nuits d’automne, je monte souvent sur le toit de ma maison pour parler avec les étoiles. Dans le ciel du nord se trouve la Grande Ourse, en forme d’écope, elle est allongée le manche orienté vers l’est. Non loin, l’Etoile polaire dénote par sa brillance vive. Alors que toutes les autres étoiles changent légèrement de position chaque nuit, l’Etoile polaire reste toujours à la même place. Située juste au-dessus de l’extrémité nord de l’axe de la Terre, elle est l’étoile principale de la constellation de la Petite ourse. Je ne comprends pas pourquoi la forme de cette constellation est associé à un petit ours, mais ce nom a quelque chose de nordique, et même sa lumière semble avoir une certaine blancheur.
Pendant que je contemple l’étoile polaire, un ou deux cormorans, revenant du bord de mer, planent dans le ciel étoilé en poussant des gazouillis solitaires. Au sol, les épis des hautes herbes, blancs dans le ciel nocturne, flottent dans le vent. Le ciel étoilé des nuits d’automne est parmi les saisons, celui qui nous fait ressentir le plus de familiarité et de nostalgie.
illustration: Izu